A l'heure où les vestes sont de plus en plus réversibles, où les ambitions se confondent avec l'opportunisme, et où les soutiens vont dans le sens du vent... L'adacémicien Jean d'Ormesson dont on connait l'humour, la verve, la libre pensée, et l'élégance pétillante a concoté un texte à son image et qui fait le buzz aujourd'hui sur internet après avoir été publié sur le site des Jeunes pour le progrès. Que ses idées aussi larges que son talent, soient largement diffusées auprès de ceux qui ont encore besoin d'être convaincus.
La victoire de François Hollande est à peu près acquise, et elle risque d'être éclatante.
Le moment est idéal pour se déclarer sarkozyste.
La question n'est pas de savoir qui l'emportera en mai 2012.
On a longtemps été convaincu dur comme fer que ce serait M. Strauss-Kahn.
On a pu croire que ce serait Mme Aubry.
On a même pu imaginer que, par un coup du sort, ce serait Mme Le Pen.
Il n'est pas tout à fait exclu que M. Bayrou, M. Mélenchon, M. Montebourg se soient monté le bourrichon jusqu'à se persuader de leur chance de l'emporter. Tout sauf Sarkozy.
N'importe qui sauf Sarkozy. Ce sera M. Hollande. François Hollande est un parfait honnête homme. Il est intelligent, charmant, cultivé et même spirituel.
Il y a chez cet homme-là un mélange de doux rêveur et de professeur Nimbus égaré dans la politique qui le rend sympathique.
Il est mondialement connu en Corrèze.
Ce n'est pas lui qui irait courir les établissements de luxe sur les Champs-Élysées, ni les suites des grands hôtels à New York ou à Lille, ni les yachts des milliardaires.
Il ferait, je le dis sans affectation et sans crainte, un excellent président de la IVe République. Ou plutôt de la IIIe.
Par temps calme et sans nuages. Il n'est jamais trop bas. Mais pas non plus trop haut.
C'est une espèce d'entre-deux : un pis-aller historique.
Ce n'est pas Mitterrand : ce serait plutôt Guy Mollet. Ce n'est pas Jaurès ni Léon Blum : c'est Albert Lebrun. Ce n'est pas Clemenceau : c'est Deschanel.
Il parle un joli français. Et sa syntaxe est impeccable. On pourrait peut-être l'élire à l'Académie française. Ce serait très bien. Mais en aucun cas à la tête de la Ve République, par gros temps et avis de tempête.
C'est vrai : Sarkozy en a trop fait. Hollande, c'est l'inverse. Car n'avoir rien fait est un immense avantage, mais il ne faut pas en abuser. Il n'est pas exclu, il est même possible ou plus que possible que M. Hollande soit élu en mai prochain président de la République.
C'est qu'à eux deux, M. Hollande et le PS, qui sont assez loin d'être d'accord entre eux - je ne parle même pas de M. Mélenchon ni de Mme Joly dont ils ont absolument besoin pour gagner et dont les idées sont radicalement opposées à celles de M. Hollande -, ont des arguments de poids : la retraite à 60 ans (quand la durée de vie ne cesse de s'allonger), 60 000 nouveaux fonctionnaires (quand il s'agit surtout de réduire les dépenses publiques), 30 % de baisse sur les traitements du président et des ministres (même M. Jean-Marie Le Pen, de glorieuse mémoire, n'a jamais osé aller aussi loin dans le populisme et la démagogie).
Avec des atouts comme ceux-là, on a de bonnes chances de gagner.
Aussi n'est-ce pas dans la perspective de l'élection de 2012 que je me situe.
C'est avec le souci du jugement de l'histoire. M. Sarkozy, autant le reconnaître a fait pas mal d'erreurs.
À voir comment se présente la campagne d'un Parti socialiste qui semble n'avoir pas appris grand-chose des leçons de son temps, ce sera bien pire avec lui qu'avec M. Sarkozy. Les déclarations d'intention ne valent rien.
Il faut des exemples vivants.
M. Zapatero, en Espagne, est un homme plus qu'estimable. Il est socialiste. Le chômage en Espagne est plus du double du nôtre.
M. Papandréou en Grèce est socialiste. Est-ce le sort de la Grèce que nous souhaitons pour la France ?
M. Sarkozy a été plus attaqué, plus vilipendé, plus traîné dans la boue qu'aucun dirigeant depuis de longues années.
Il a pourtant maintenu le pays hors de l'eau au cours d'une des pires crises que nous ayons jamais connues.
Il n'est même pas impossible que Mme Merkel et lui aient sauvé l'Europe et l'euro.
Pour affronter le jugement de l'histoire, je choisis le camp, à peu près cohérent, Sarkozy-Fillon-Juppé contre le camp, incohérent jusqu'à l'absurde, Hollande (Hollande président ? On croit rêver, disait Fabius) -Aubry-Joly-Mélenchon.
Bonaparte premier consul prétendait que le seul crime en politique consistait à avoir des ambitions plus hautes que ses capacités.
Je suis sûr que François Hollande lui-même a des cauchemars la nuit à l'idée d'être appelé demain à diriger le pays avec le concours des amis de toutes sortes et étrangement bariolés que lui a réservés le destin.
Je veux bien croire - je n'en suis pas si sûr - que, pour 2012, les dés sont déjà jetés, que les handicaps du président sortant sont bien lourds pour être surmontés, que le retard est trop rude pour être rattrapé.
J'imagine très bien l'explosion d'enthousiasme sur la place de la Bastille ce soir de mai 2012 où l'élection de M. François Hollande à la magistrature suprême sera enfin annoncée.
Je me demande seulement dans quel état sera la France en 2014 ou en 2015.
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