Vers la renaissance d’un phoenix aux pierres qui pleurent.
Il pourrait être la fierté de la Ville, il n’est qu'abandon et désolation… et pourtant à contempler ces restes encore majestueux, l’imagination peut encore nous faire voyager jusqu’aux fêtes dignes du Grand Meaulnes dont le monument fut le théâtre au début du XIXème siècle quand le tout Paris politique, artistique et littéraire s’y pressait. Chopin y composa même une ballade.
Hélas, l’histoire se chargea inexorablement de composer au malheureux château le plus triste des requiems… A quand la note finale ? Ce phoenix, hôte de nos plus beaux bois, renaitra t-il de ses cendres ?
La solution pourrait venir du Département. Ainsi Thierry Solère, vice-président du Conseil Général et maire adjoint de Boulogne s’est-il fait le porte-parole de l’exaspération des Boulonnais sur cette situation qu’il juge « inacceptable et qui n’a que trop duré ». Pierre-Christophe Baguet et lui-même viennent donc d’alerter le président du Conseil Général Patrick Devedjian, sur cette affaire et l'opportunité d'une acquisition du château par le Conseil Général. En ce sens, les services du département ont été saisis pour étudier la faisabilité d’une telle opération. Affaire à suivre pour ce joyau de notre patrimoine devenu symbole d’impuissance et de fatalisme… Sans doute plus pour longtemps !
Une bonne fée semble donc enfin frapper à la porte du Château Rothschild qui n’en a plus… Il était temps que l’on se surpasse pour ne plus enfoncer ses portes ouvertes… à toutes formes de risées.
Le Château Rothschild en quelques dates
- 1817 : James de Rothschild achète au banquier Charles Davillier les sept hectares de l’ancien domaine du marquis de Rambouillet.
- 1850 : le baron confie à l’architecte Armand Berthelin et au peintre Eugène Lami la construction d’une nouvelle habitation « convenant à une famille riche et recevant beaucoup ». Le modèle en sera le château de Clagny, œuvre de Mansart, ainsi que Versailles pour la cour intérieure. Le parc devient le rêve de tout paysagiste. Soixante jardiniers y travaillent sans relâche.
- 1900 : le baron Edmond, son fils, fait dessiner sur un hectare un jardin japonais avec pagode, kiosque à thé, portique et ponts. La famille continuera à embellir le château et à l’orner jusqu’en 1939. La guerre oblige les Rothschild à fuir à Londres.
- 1940 : l’état-major de la Kriegsmarine s’installe dans la propriété désertée et la pille. Les œuvres d’art, meubles, tableaux, statues sont envoyés en Allemagne.
- 1945 : les Américains s’y installent à la Libération et en font un centre de transit, achevant sans état d’âme l’œuvre de destruction : les boiseries dorées, la pagode et le kiosque chinois servent de bois de chauffage. Le parc est défoncé pour faire manœuvrer tanks et camions, les plantes et bosquets sont arrachés. Consternation de la famille de Rothschild à son retour. Elle n’habitera plus jamais cette maison.
- 1948 : le ministère de la Reconstruction exproprie sept hectares de parc en pour bâtir l’hôpital Ambroise-Paré. Deuxième amputation avec la construction du raccordement de l’autoroute au périphérique, inauguré en 1974.
- 1979 : le baron Edmond fils fait don à la Ville de Boulogne, pour un franc symbolique, des quinze hectares de parc restant.
- 1981 : vente du château, 48 millions de francs, à l’actuel propriétaire, -le cheik Khalid Abdulaziz Al Ibrahim- par l’intermédiaire d’une société hollandaise immatriculée à Amsterdam, Jogo. Ce dernier se désintéresse aussitôt de son acquisition et laisse la demeure se délabrer.
- 1993 : incendie partiel.
- 1994 : un premier arrêté de péril imminent est pris, suivi d’une mise en demeure de faire des travaux de protection. Le propriétaire ne daigne pas répondre aux multiples courriers de la municipalité de Boulogne.
- 1997 : les vestiges du château et le parc sont inscrits à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques. Un certain nombre de projets se font jour : ambassade de Chine, fondation Dior pour la haute couture, hôtel de luxe, centre de séminaires. Rien n’aboutit.
- 2003 : deuxième incendie suivi d’un nouvel arrêté de péril imminent qui ne suscite toujours aucune réaction. Juin : procédure dite d’abandon manifeste qui permettrait à la Ville de récupérer le bien au bout de six mois, soit en janvier 2004. Le propriétaire s’engage alors à restaurer le château ou au moins à faire les travaux de première urgence et de mise en sécurité. On attend toujours !
Sources et remerciements : Liliane Delwasse, journaliste et écrivain. Le Parisien du 8/09/07 et du 25/09/07. Photos : Jean-Paul Delacruz, talentueux photographe.
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