Merci d’avance à ceux qui iront jusqu’au bout de ce texte. Bon d’accord c’est trop long, mais ces trois années méritaient bien quelque langueur… elles n’eurent rien de monotone.
C’est avec une profonde tristesse que j’annonce ma démission du poste de maire adjoint de Boulogne-Billancourt. Cette démission fait suite au « départ » d’amis très proches de la majorité municipale. Depuis plus d’une dizaine d’années, nous nous sommes notamment investis collectivement dans la politique locale, je leur dois aussi d’avoir pu accéder à cette fonction. Inconcevable donc de continuer et de rester, comme si de rien n’était, dans une bulle imperméable.
Evoquons aussi l’Ile Seguin et son fameux Plan Local d'Urbanisme qui prend de la hauteur. Si je n’ose y imaginer cinq tours défiant l’impossible, je crois en revanche, au sens de la responsabilité des élus (quel que soit leur bord) et des acteurs du projet, au dialogue et à la concertation… Il nous faut savoir être « constructifs » pour que cette île que nous voulions dédiée aux arts et à la culture, soit le joyau promis d’une vallée de la culture et d’un grand Paris où la création se lève enfin à l’ouest.
Je me suis engagé dans la vie politique locale avec cœur et passion, avec un seul idéal : servir ma ville et les Boulonnais. Si j’éprouve aujourd’hui une sensation de gâchis, il est inutile d’en rajouter, à la fois par pudeur et décence vis à vis de nos concitoyens qui n’ont pas, en plus de leurs problèmes quotidiens, à subir l’étalage de dissensions et à être les otages d’un voyeurisme complaisant. Cela ne ferait que desservir la noblesse de l’engagement politique déjà suffisamment malmené.
J’ai toujours pensé qu’un élu avait beaucoup plus de devoirs que de droits. Ce n’est pas la fonction qui fait l’homme, c’est l’inverse. Et je crois m’être investi dans ma mission avec droiture, humilité, créativité, détermination… et idéalisme. Trop sans doute.
Durant plus de trois ans, dans cette grande ville qu’est Boulogne-Billancourt, j’ai eu l’honneur de servir cette prestigieuse délégation : la Culture.
Tout d’abord, il a fallu faire preuve de pédagogie. Expliquer que la culture, si elle était une dépense souvent reprochée, n’en était pas moins la plus belle des armes anti morosité surtout dans un contexte de crise. Qu’elle était également un facteur d’attractivité économique pour la ville tant par l’image que par la qualité de vie dont elle est aussi l’un des principaux vecteurs. Qui remettrait en cause aujourd’hui le rôle fondamental qu’a la culture dans notre vie à tous : construction individuelle, transmission des savoirs, épanouissement des talents, maillage social intergénérationnel, et plaisir tout simplement.
Concrètement, cette politique culturelle revendiquée et assumée, s’articule autour de trois axes complémentaires que j’ai tenté de décliner de manière concrète :
- Le rayonnement local, national et international de la ville autour de ses spécificités identitaires culturelles que sont les années 30, le cinéma, l’esprit entrepreneurial et pionnier qui y a toujours ici prévalu tant en matière industrielle, artistique, architecturale, musicale, etc. En moins d’une année, la fréquentation de nos musées a augmenté de 300%. Bien sûr, nous le devons en partie à l’exposition Bardot, à la création de l’Espace 2030 tourné vers l’art contemporain, et à de grandes expositions thématiques dédiées aux années 30 ou plus intemporelles telle que Sculptur’ELLES qui vient d’ouvrir ses portes. La ville a également repris la parole en matière de cinéma tant en terme d’expositions qu’avec son festival international du film dédié à l’émotion et à la bonne humeur.
- L’éclosion, la valorisation et la promotion des talents boulonnais quels que soient leurs modes d’expression. Concours de littérature lors d’un salon du livre totalement revisité avec notamment la publication des poèmes gagnants sur les abribus de la ville… comme quoi la poésie peut aussi descendre dans la rue, concours de peinture, de photographie et de sculpture, journées portes ouvertes d’ateliers d’artistes, création d’un cycle « Talents Boulonnais » avec six expositions par an dans l’Hôtel de Ville et dans la nef de l’Espace Landowski. Création d’un tremplin « Go West » dans l’esprit du Golf Drouot pour faire émerger nos meilleurs groupes de musiques actuelles, prix de composition et bientôt d’interprétation au Conservatoire, etc.
- L’accessibilité à la culture pour tous avec par exemple, la livraison par nos bibliothécaires de biens culturels au domicile de personnes ne pouvant se déplacer ou encore une politique tarifaire adaptée à tous.
Faisons grâce des longs chantiers suivis avec patience mais enthousiasme : le Musée Paul Belmondo, le Carré BelleFeuille et une programmation encore plus ouverte aux jeunes, Le Pôle d’Enseignement Supérieur Paris Boulogne-Billancourt, la nouvelle Médiathèque du Trapèze, les projets culturels de l’Ile Seguin, etc.
Un important travail sur la communication culturelle a également été mené afin que celle-ci attise, séduise, interpelle. Ainsi une identité graphique et éditoriale a t’elle été mise en place pour clairement identifier chaque lieu ou événement avec une « patte personnelle» voulue encore une fois jubilatoire. J’ai eu également le plaisir de proposer et concevoir le magazine BBI Cultures à la fois vitrine et écrin de cette politique culturelle et de ceux qui en sont les parties prenantes.
Mention spéciale également pour la Fédération Nationale des Collectivités territoriales pour la Culture (FNCC) dont je fus vice-président (jusqu’à aujourd’hui). J’y ai représenté la ville et confronté mes convictions avec des élus de toutes tendances confondues… Quel bonheur d’y constater que la culture a bien des couleurs et qu’aucune teinte n’en a le monopole… comme je l’ai déjà écrit, si la culture n’est ni de gauche, ni de droite, elle se doit d’être « adroite » notamment pour faire face aux nombreuses inquiétudes budgétaires qui pèsent sur elle au sein des collectivités territoriales.
Voilà un inventaire à la Prévert non exhaustif d’actions, de réalisations, d’événements cohérents les uns avec les autres. Ce n’est donc pas un hasard, si dans un récent sondage, nos concitoyens plébiscitaient la politique culturelle et la plaçaient en tête de toutes les actions municipales.
Ce fut là une fabuleuse expérience fondée sur une remise en question permanente et une ouverture à l’autre constante. Oui je suis fier de tout cela et je l’affirme sans prétention aucune. Ceux qui me connaissent le savent bien.
Je souhaite sincèrement à mon successeur tous les succès possibles comme toutes les audaces.
Je salue et remercie ceux qui m’ont accompagné et soutenu durant ces trois années : le personnel de la ville et de la direction de la culture qui a su se transcender avec créativité et gentillesse pour soutenir un rythme plus que dense et permettre à toutes ces idées de devenir réalité ; les partenaires, amis et collaborateurs du Théâtre de l’Ouest Parisien, des cinémas Gaumont-Pathé, du Conservatoire, des bibliothèques, des musées, du Carré BelleFeuille, des archives et du patrimoine ; les associations qui font tant pour que tous les Boulonnais s’investissent dans la culture et la vivent au plus profond d’eux-mêmes.
Autre évocation personnelle : ces belles rencontres et ces échanges authentiques avec les comédiens, musiciens, artistes, écrivains, cinéastes, galeristes, mais aussi personnes anonymes… Grâce à eux, je sais que l’humilité confère le talent et que le mot amateur recèle bien des sens. Je leur dois bien des émotions artistiques, vous savez celles qui vous inondent de frissons, leur intensité peut aller jusqu’à des larmes de bien-être. Autant de petites perles qui vous élèvent autant qu’elles vous révèlent. Vive donc la « perle de culture » : se cultiver soi même et briser l’écorce du paraître… être simplement vrai.
Enfin, je rappellerai l’amitié que je porte à bon nombre d’élus et plus particulièrement, j’adresse une pensée émue à certains d’entre eux qui se reconnaîtront… En effet, ils méritent d’être reconnus pour leur sens de l’abnégation dans des secteurs souvent beaucoup moins valorisants que la culture. Je pense aussi à toi Isaure et à ce formidable travail accompli ensemble.
Pour conclure, permettez-moi un vœu aussi paradoxal qu’idéaliste : que cette démission aussi anecdotique soit-elle, participe à un rassemblement non partisan autour de valeurs définitivement fondées sur une seule ambition : servir Boulogne-Billancourt et les Boulonnais. Personne d’autre !
Parfois une voie royale vous conduit hors des sentiers battus… Parfois encore, des chemins de traverse valent le détour. Ce n’est pas le bout de la route qui compte mais le chemin. Je continue donc de tracer ma route… le cœur gros mais libre et en paix.
On a tout à gagner à privilégier l’être plus que l’avoir !
Merci à vous, cher lecteur, d’être allé au bout de ce point qui n’a rien de final.
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