Tic Multimédiatique
Dans le monde virtuel, c'est le dernier endroit où il faut être vu pour être en vue.
Facebook à l'origine réunissait des étudiants des prestigieuses universités américaines. C'est aujourd'hui un réseau social planétaire où chaque cybernaute peut répondre à des questions existentialistes fondamentales : qui il est, d'où il vient, où il va et avec qui... ce qui intéresse évidemment la terre entière et en tout cas plus surement l'entourage qu'il se constitue au fur et à mesure et dont il partage les réponses aux mêmes questions.
Retrouver un ami perdu, adhérer à une cause ou à un groupe d'opinion, communiquer avec qui bon vous semble... cela devient un jeu d'enfant. Un jeu tellement ludique, voire parfois narcissique, qu'il peut vite tourner à l'addiction, tout comme les blogs ! Oui je revendique aussi l'auto dérision !
Déjà certaines entreprises dénoncent une baisse de productivité depuis l'apparition du phénomène Facebook, quant aux jeunes ils le disent eux-même : c'est un nouveau moyen de passer le temps. Tant que ce n'est pas pour le perdre !
Il n'en demeure pas moins que Facebook est un média à part entière qui mérite d'être visité à défaut d'y être présent, ne serait-ce que pour satisfaire son petit côté clanique ou tribal. On le sait bien, la règle de la proximité prime.
Dans la série qui se ressemble s'assemble et le montre, vous pourrez ainsi adhérez comme moi au Groupe "Fédération Numérique UMP" ou encore au groupe "Municipales 2008 à Boulogne-Billancourt". Là nous ne parlons plus de jeu d'enfant mais de vrais enjeux !
Et pour ceux qui ont aussi envie de se détendre : offrez-vous gratuitement une petite visite à quelques irrésistibles groupes qui rappellent les grandes heures du mouvement Jalons initié par Basile de Koch : "le comité de lutte contre l'union du slim, de la tecktonik & de la coupe mulet", "Pour l'interdiction d'applaudir à l'atterrissage", "Je ne dis jamais je vais au coiffeur", etc.
En bref après les courriel, les chat, les SMS, les fax, les blogs, les sites, les Intranet, les Extranet, les GSM et le papier, de surinformés ne devenons pas déformés... Pour paraphraser Alceste dans le Misanthrope, tout cela donne parfois envie de retourner à un certain désert médiatique, histoire de se retrouver véritablement face à soi et avec ses proches.
Lu dans Métro International et communiqué par Christophe
Pourquoi je quitte Facebook
Jacques Rosselin, internaute
C'est décidé, je me débranche de Facebook. J'arrête demain. Je vais gagner une demi-heure de vie par jour, comme quand on arrête de fumer. Et du temps de cerveau disponible en prime. Pourquoi ?Une raison impérative : le fondateur a expliqué, il y a quelques jours, qu'il avait plein d'idées géniales pour vendre ses inscrits et leur données personnelles à des publicitaires. Une raison impérative et deux cent mille raisons confuses, des signes, des alertes inconscientes...
Vous connaissez Facebook ? C'est le plus à la mode des "réseaux sociaux". Réseaux sociaux.... wow ! Au premier abord, on est séduit. Pensez, en ces temps de conflits, un réseau social. Ca sert sûrement à quelque chose. Peut-être à dialoguer avec un gréviste, qui sait ? Et puis on s'inscrit et on comprend vite qu'il s'agit tout bonnement de pages personnelles avec des CV et des listes d'amis. Internet quoi. Mais deux jours après que l'on se soit sagement inscrit, expliqué qu'on est de gauche (liberal en anglais, ah oui au fait, Facebook, c'est en Anglais, j'espère que vous avez révisé) ou de droite, donné ses inclinations religieuses, siphoné tout son carnet d'adresses sur le site (ne vous inquiétez pas, c'est du marketing viral, ça ne peut pas être contagieux), et entré son code ADN (oui, Facebook c'est plutôt sarkozyste), on commence à se demander si on est au bon endroit. Un peu comme si vous étiez un papa déguisé en jeune dans une surboum d'ados à Pampelone. Un intellectuel égaré dans un dîner au Fouquet's. Ou un garçon qui cherche du lien social à Djerba la Fidèle.
C'est peut être l'irruption de tous ces "amis", pardon, ces "Friends" qui donne cette tonalité ado-demeuré au site. Exaspérant. Plein de gens vous demandent par mail si vous voulez devenir leur "Friend". C'est gratifiant au début, puis on comprend vite ce que veut dire le mot "Friend" au sens Facebookien : c'est quelqu'un qui veut réseauter socialement avec vous. Comme dans une soirée de networking ou de speed-dating, vous savez les trucs de sans-amis où les gens ont des étiquettes sur leur polo.
Ce qui m'a mis la puce à l'oreille, c'est quand Jean-Noël Guerini, un monsieur qui fait de la politique dans le sud, m'a demandé de devenir son ami. Je ne connais par M. Guérini, il est sûrement très sympa, mais pourquoi veut-il devenir mon "Friend" ? Pire, pourquoi ma fille Hannah veut-elle devenir mon Friend ? Je ne suis pas son Friend à la fin, je suis son père ! Tous ces Friends font pourtant tellement de choses super tous ensemble. Par exemple, ils se transforment en vampires et mordent pour transformer leurs amis en vampires. Est-ce que Delanoë est OK pour devenir mon Friend ? Et Guérini ? Et Panafieu ? Pour que je les morde et qu'ils deviennent tous des vampires ? Et qu'ils aillent au bal des vampires avec ma fille ? Et au milieu de tout ça, les Friends arrivent quand même à réseauter pour faire du business, dans une ambiance over-cool et trop "Calif". Trop top.
Mais tout ça, au bout du compte, ça prend quand même pas mal de temps. Surtout quand on a une vie en vrai. Et ça ne sert pas à grand-chose. Du réseau social, vraiment ? De la mousse sociale oui ! Un "bulle-partie" sociale comme les aime tant Bob l'Eponge !
Bon, c'est pas tout ça, mais je dois retourner sur Facebook pour organiser ma migration vers Peuplade (ça c'est un réseau social de quartier, au moins, je pourrais boire des coups en bas de chez moi et emprunter des outils). Je dois expliquer au groupe que j'y ai créé, les "Abandonistes de Facebook", comment se faire la malle.Gasp, si ça se trouve, c'est peut être impossible, comme dans le Prisonnier, ou bien dans le Hotel California des Eagles : "You can check out any time you like... but you can never leave!" Solo.
Rédigé par : Christophe | 27 novembre 2007 à 13:14
Stéphane Hugon : « Les réseaux sociaux viennent étancher une soif de dialogue »
Pour le sociologue Stéphane Hugon, notre société a évacué les lieux de convivialité dédiés au bavardage, les gens qui n’ont plus le temps de perdre leur temps le perdent sur Internet
Stéphane Hugon, sociologue, responsable du Groupe de recherche sur la technologie et le quotidien (Gretech). Entretien
La Croix. Les réseaux sociaux en ligne connaissent une croissance exponentielle. Pourquoi ce succès ?
Stéphane Hugon : Je dirais plutôt : pourquoi maintenant ? Car l’émergence d’une technologie ne suffit pas à expliquer le phénomène. Il fallait aussi que l’imaginaire des utilisateurs soit mûr pour s'en emparer. Le fonctionnement des réseaux sociaux fait écho à des valeurs contestataires - remise en cause du pouvoir pyramidal, du paternalisme - apparues au début du XXe siècle qui ont mis soixante ou quatre-vingts ans à imprégner la société. C’est cette évolution des mentalités associée à une technologie qui a permis le développement de ces nouveaux sites. Autrement dit, ce qui plaît aux utilisateurs de Facebook ou MySpace c’est d’avoir des relations d’égal à égal.
Mais aussi de jouer avec leur identité.
La possibilité de modifier ou d’ajuster son identité est quelque chose de fondamental dans la relation sociale en ligne. Sur les réseaux sociaux, nous évoluons en permanence entre réalité et fiction. De ce point de vue, la Toile bouleverse la logique de «l’unité de l’identité» chère à notre culture occidentale. Ces plates-formes sociales permettent en effet aux utilisateurs de révéler plusieurs facettes de leur personnalité, en fonction du contexte de la relation et de l’imaginaire commun d’un groupe : je peux être critique d’art sur MySpace et sociologue sur LinkedIn. C’est dans l’expérience relationnelle avec les autres que je libère une partie de mon identité. Les réseaux sociaux favorisent donc l’interaction entre les individus et pas seulement la mise en scène de soi.
Il ne s’agit pas seulement de parler de soi.
Les utilisateurs de réseaux en ligne ressentent d’abord un besoin d’appartenance à un groupe dans une société où règne un principe d’individualisation très fort. Un profil sur Facebook ou MySpace sans liste d’amis est condamné à disparaître rapidement. Autrement dit, un émetteur sur Internet ne devient lui-même qu’à partir du moment où il fait partie d’un petit groupe à travers lequel il va avoir le sentiment d’exister. D’ailleurs, lorsque le groupe devient trop important, le mécanisme ne fonctionne plus et il éclate en sous-communautés. C’est ce qui arrive aujourd’hui aux grands réseaux sociaux confrontés à une crise de croissance : il est par exemple devenu absurde d’avoir 8.000 amis sur MySpace.
On laisse beaucoup de données personnelles en ligne, n’est-ce pas risqué ?
Les sites de mise en relation sont gratuits, mais ils permettent de collecter toutes sortes de données sur les utilisateurs qui peuvent ensuite être vendues à des fins publicitaires. C’est ce qui vient de se passer avec Facebook. Mais il n’y a pas que le harcèlement commercial. Les entreprises aussi peuvent aller chercher des informations sur les salariés. Une chose semble évidente : plus on fréquentera les réseaux sociaux, plus on sera catalogué. Plus on laissera de données personnelles, plus on sera vulnérable.
Finalement, les réseaux sociaux améliorent-ils les relations humaines ?
Oui. Malgré tout. Ils viennent étancher une soif de dialogue même si le contenu des échanges s’avère souvent creux. Les gens parlent d’eux, et à travers ces petites expériences banales, il y a quelque chose de fondateur pour les relations sociales. Notre société a évacué les temps morts, les lieux de convivialité dédiés au bavardage : il y a de moins en moins de cafés, de temps pour parler… Or, ce bavardage est nécessaire. Les sociétés ne survivent, paradoxalement, que sur le creux, le vide. La structure fondatrice de notre culture c’est le rien, le néant. Aujourd’hui, Internet est devenu le réceptacle de cet échange de vide, de ce rien. Les gens qui n’ont plus le temps de perdre leur temps le perdent sur des sites qui, ironie de l’histoire, font l’objet des plus gros investissements de la deuxième moitié du XXe siècle !
Recueilli par Paula PINTO GOMES
Merci à Damien Le Guay de nourrir ainsi le débat !
Rédigé par : Envoyé par Damien Le Guay | 15 décembre 2007 à 20:35