Page après page, un guide à suivre.
Boulogne-Billancourt fait aussi sa rentrée littéraire ! Edité conjointement par le Ministère de la
Culture et de la Communication, par la Ville de Boulogne-Billancourt et
les Editions du Patrimoine, "Boulogne-Billancourt, le Guide" sort en librairie le 17 septembre prochain.
Un tour de la ville en mots et en images, une invitation à (re)découvrir ses musées, ses monuments et de flâner dans ses rues où se croisent toutes les histoires avec un grand ou un petit h. Un nouveau rendez-vous à ne pas manquer avec cette "ville d'art et d'histoire", fière de ce label dont ce livre est la plus belle des vitrines.
Un grand merci également au journaliste écrivain Frédéric Ferney qui nous a fait l'amitié d'écrire la préface avec toute l'érudition et le talent que nous lui connaissons.
L'occasion également de rappeler que sa web tv littéraire "le bateau libre" est enregistrée au Cap Seguin et qu'elle est devenue le rendez-vous incontournable des amoureux des mots et des lettres.
En exclusivité, je vous invite à lire cette préface... balade littéraire dans un Boulogne-Billancourt, source de tant d'inspirations et de... respirations.
A BOULOGNE COMME SI C'ETAIT DIMANCHE
par Frédéric FERNEY
Si pourtant ! A certaines
heures, par beau temps, vue du bateau-restaurant « La Passerelle-Cap
Seguin », quai Le Gallo, la Seine se rêve bleue comme un océan. Les
mouettes devinent des poissons d’or dans le ciel – avec leur capuchon noir sur
leur robe blanche, elles n’y voient que du bleu ! Un peu plus haut, le
paquebot de l’Ile Seguin est une épave, un vestige, une relique prolétaire, oubliée
de la houle et dépecée par les requins.
Assis à une terrasse sur la berge,
entre le pont de Saint-Cloud et le Pont de Sèvres, il suffit d’un ou deux
verres de Chardonnay, peut-être trois, devant une friture d’éperlans (nous ne
sommes pas des mouettes !) pour s’imaginer au bord de la mer, je le jure.
Comme si c’était dimanche.
Comme si c’était dimanche.
Avant les dames, il y eut les
sangliers et les loups.
J’y pense souvent quand je coupe à
travers le Bois vers la plaine de Longchamp. C’est Philippe-Auguste qui incorpora
la forêt de Rouvray au domaine royal pour y chasser. Sous le règne de Philippe
le Bel, l’ancien hameau des Menus devint Boulogne-la-Petite, puis l’ancienne
forêt de Rouvray, par un édit de 1469, prit enfin le nom de Bois de Boulogne.
Quant à la lande de Billancourt, ce
fut jadis le royaume des lièvres et le repaire de la canaille. Aujourd’hui, il
faut tout de même un effort pour imaginer que la rue des Princes et la rue
Denfert-Rochereau sont d’anciens chemins de ronde où, de loin en loin, se balançaient
au bout d’une corde brigands et braconniers.
Comme si c’était dimanche.
Louis XIV qui fut le premier
banlieusard a fait des émules : déjà, avant l’extension de Paris vers
l’ouest, conduite par le baron Hausmann sous Napoléon III, les bourgeois à la
mode s’installent sur la route de Versailles, imitant les grands seigneurs, pas
tous méchants hommes : Cambacérès, Mollien, le comte de Réal, sous le
Consulat et l’Empire, puis le duc de Morny ou le baron James de Rothschild.
Au début des années vingt, Henry
Kahnweiler, le marchand des cubistes, s’installe au 12 rue de la Mairie dans
une ample demeure où, chaque dimanche, il reçoit ses amis, artistes, poètes et
musiciens : Braque, Lipchitz, Erik Satie, Artaud, Max Jacob, Tzara,
Desnos, Man Ray, Diaghilev, Malraux, Charles-Albert Cingria ou Juan Gris (qui a
son atelier à deux pas). Les « dimanches de Boulogne » cesseront à la
mort de Juan Gris, en 1927.
Comme si ce n’était plus dimanche.
Comme si c’était dimanche.
Cendrars, encore lui, et son ami Fernand
Léger, autre Boulonnais du dimanche, ont su capter cette beauté nouvelle –
laborieuse, mécanique, meurtrière. Les premiers tanks sont nés à
Boulogne ; les usines chassèrent les guinguettes, les bals, les orgues de
barbarie ; l’odeur d’aubépine et de linge frais se dissipa dans les fumées.
Il était temps de troquer les odes
aux rossignols contre un hymne à l’aéroplane. Avec la Grande Guerre, on quitta furieusement
le XIXe siècle, à tombeau ouvert, dans une automobile de Monsieur Renault.
Comme si c’était dimanche.
Et voilà !
Ce sont les deux visages de
Boulogne : d’un côté la ville ouvrière, celle que Sartre ne voulait pas
désespérer, de l’autre la ville artiste et résidentielle qui perdure.
A Venise, les pigeons marchent, et
les lions volent. A Boulogne, dans l’Espace Albert Kahn, les jardins sont une
planète, les livres sont des arbres, comme si l’on pouvait consulter les archives
de la Nature.
Enfin, je n’oublie pas que c’est dans les studios de cinéma de Boulogne-Billancourt que furent créés deux de mes films préférés : le « Napoléon » d’Abel Gance et « La Grande Illusion » de Jean Renoir.
Comme si c'était dimanche.
Diffusion : librairies boulonnaises : Périples 2, Fnac, Des souris et des livres, Folie de lire et librairies parisiennes.
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