Vive la « tout contre culture » et à bas le « tout à l’égo » !
A l’heure où m’arrivent aux oreilles des rumeurs détestables qui me chatouillent ou me gratouillent à défaut de m’égratigner, je souhaite rappeler qui si j’ai choisi de m’inscrire dans une logique d’indépendance, c’est justement pour me libérer et me préserver de toute influence. Si l'imbécillité aussi lâche soit-elle, peut provoquer la radicalisation, elle ne produira ici qu'une simple mise au point.
Laissons aux petits malins aussi colporteurs que cloportes, la médiocrité de l’infamie et de la diffamation qui soulage sans doute leur bonne conscience d’un fardeau qu’ils ne seraient incapables de supporter : écouter leurs propres convictions plutôt qu’obéir à un sectarisme que n’aurait pas renié Panurge. Oh qu’ils se rassurent, je ne suis pas un donneur de leçons, mais juste un type qui veut continuer à pouvoir se raser le matin en se regardant dans un miroir qui ne lui renvoie pas l’image du vrai Dorian Gray. A chacun donc son libre arbitre, qu’il ait tord ou raison, du moment qu’il est en paix avec lui-même, ses idées et ses croyances et surtout qu’il respecte l’autre et partage ses différences, voire les protège tant qu’elles s’expriment avec bienveillance.
Oui bien qu’ébranlé par le fait de démissionner de cette délégation de la culture que j’ai servi -paraît-il avec succès-, j’ai quitté le cocon municipal majoritaire. Oui je l’ai fait par solidarité mais aussi par éthique personnelle. Et je le revendique. Je ne puis admettre que l’on trahisse des promesses électorales auxquelles j'ai cru. Je ne puis comprendre que par le seul fait du prince architecte, l’on brave ces promesses de manière autocratique, même s'il fait autorité. Je ne puis me résoudre à voir s’ériger des tours qui défigurent un site enchanteur au motif de la « mégalopole ».
Nous en avions rêvé, Nouvel l’a fait, avais-je claironné sans savoir ce qu’il avait précisément prévu lors d’un conseil municipal en sa présence… Rêve d’une nouvelle utopie ou cauchemar pour les habitants des alentours, aujourd’hui la nouvelle Babylone se précise telle que Nouvel la dessine et la décide, et l’on sait ce qui est advenu bibliquement de l’antique. J’y ajouterai Babel, tellement ces tours divisent plus discutables que discutées. Nous sommes en plein sketch de Woody Allen : « Avec ma femme, nous nous sommes encore battus sur l’éducation des enfants que nous n’aurons jamais. » En bref, en pleine absurdie, nous allons dans le mur à la vitesse d’une F1, tel Ayrton Senna… lui aussi savait piloter, jusqu’à ce que…
L’architecte compare également cette île à un paquebot… Le France n’est plus qu’un fantasme tricolore chanté par Sardou, célébré et momifié dans nos musées et les salles de vente ; et le Titanic, un contre exemple en matière de management qui nourrit les thèses des meilleurs coachs. La hauteur de l’iceberg est-elle proportionnelle aux abysses dans lesquelles elle nous entraine ? Jusqu'où ira le paquebot Seguin ? Remontera t'il la Seine pour mieux couler dans la grande mer des sarcasmes ? Remontera t'il sur la scène publique jusqu'à l'hallali du fleuve et la vindicte populaire ? Personne ne le souhaite. Mais dans un tel état, n'est-ce pas à l'Etat de prendre la main, d'arbitrer et d'investir avant que notre paquebot, après avoir essuyé de nombreuses tempêtes dans les eaux troubles de la politique, n'en vienne à toucher le fond du ridicule, ce qui est moindre face au néant qui l'habite depuis des lustres.
Comme Bernanos « Je crois toujours qu’on ne saurait réellement servir – au sens traditionnel de ce mot magnifique – qu’en gardant vis à vis de ce qu’on sert, une indépendance de jugement absolue. »
Notre conscience d’élu se place bien au dessus de toute prérogative, avantage, subordination liés à la fonction, aux ambitions, aux corporatismes… Il est question ici de morale… et à chacun de savoir et de décider au fond de lui-même et en totale indépendance si ce pourquoi il s’est engagé et a été élu, mérite d’être défendu et préservé.
Je ne sais aujourd’hui si j’insulte l’avenir en m’opposant à ce programme immobilier auto justifié par un prétexte culturel… Comme tout homme, si je puis avoir droit à l’erreur, j’ai aussi le devoir de m’exprimer, c’est une chance elle bien tricolore. Ce que je ressens, c’est que la culture ne peut être prétexte à tout, que je reste contre ce programme, tout en étant tout contre l’Ile Seguin… parce que je l’aime tout comme ma ville.
Donne moi de la boue, j’en ferai de l’or écrivait Baudelaire… Il parlait évidemment de poésie, pas de constructibilité. Vive la « tout contre culture » et à bas le « tout à l’égo » !
Comme conclurait Vialatte, c’est ainsi qu’Allah est grand...
Cher Pascal,
Tu sais combien je suis attaché aux idées et à la façon de les défendre. Tribuns et écrivains se ressemblent. Ils veulent partager et convaincre.
Je me pose plusieurs questions sur les raisons profondes et les conséquences de ton abandon de la délégation Culture.
. Sortir de cette façon et la raison principale invoquée offre un certain panache, mais n'aurais-tu pas été plus influent en restant un acteur au coeur de la Majorité ?
. Avoir fait évoluer le projet Seguin est-il condamnable au seul prétexte que cette évolution - mille fois expliquée - n'est pas conforme aux arguments de campagne ? PC Baguet a-t-il emporté les élections sur cet unique et seul argument du projet Seguin ?
. Es-tu véritablement convaincu que la Culture soit le prétexte d'un programme immobilier caché ? Autrement dit, Séguin sera-t-elle ou ne sera-t-elle pas un centre culturel si ce n'est unique du moins exceptionnel ?
. Penses-tu vraiment que la bienveillance soit la qualité de ceux qui semblent t'avoir amené à démissionner ?
. Ta passion de la diffusion de la Culture vaut-elle d'être sacrifiée à des chimères à l'évidence politiciennes ?
Enfin, bref, l'important est de pouvoir exprimer ses convictions dignement, ce que tu fais. J'aimerais que tous respectent cette tenue pour la grandeur de l'acte politique.
Rédigé par : Philippe DERMAGNE | 29 juin 2011 à 13:01