Ile Seguin : Intervention de Pascal Fournier par BoulogneTV
DES TOURS SANS DETOUR
Intervention au conseil municipal du jeudi 16 juin 2011.
(en images et en texte).
Monsieur le Maire, mes chers collègues,
Comment pourrais-je être contre une île Seguin résolument dédiée à la culture, aux arts, à l’inspiration et à la respiration alors que pendant plus de trois ans, Boulogne-Billancourt fut ma muse…
En tant que Maire adjoint chargé de la Culture, j’ai même défendu ici avec détermination et ferveur, le concept de Jean Nouvel. Je le voyais visionnaire, précurseur, emblématique… je stigmatisais alors l’opposition pour son conservatisme évoquant une querelle des anciens et des modernes digne des polémiques telles que celles nées lors de la construction de la Tour Eiffel –aujourd’hui symbole universel de notre pays- ou encore du Paris du Baron Haussmann. Aujourd’hui, certes l’on parle encore de culture sur l’Ile Seguin. C’est même l’axe dominant de sa communication. Mais des châteaux de bureaux, ces « fameux » tours de passe-passe sémantique, semblent lui faire de l’ombre du fait de leur hauteur conséquente et insoupçonnable lorsque le projet nous fut présenté.
Parlons-en sans détour de ces « fameuses » tours… Le grand écrivain qu’était Jean Doutourd –qui ici porte bien son nom- disait « avoir mal à la France », plus modestement mais avec ressenti, je dirai aujourd’hui que j’ai mal à Boulogne-Billancourt. Et cela pour trois raisons.
Première raison : cette révision relève t’elle d’un programme culturel ou d’une opération immobilière qui renvoie nos promesses électorales aux oubliettes ? A l’époque, pour jauger le projet, il n’y avait alors rien d’autre qu’un concept et aucun chiffre. Informel comme le qualifie le commissaire enquêteur. Ce soir je m’interroge : malgré le génie architectural incontestable de Jean Nouvel et la beauté du geste que l’on apprécie ou pas, est-ce là un projet conforme aux attentes de ceux qui nous ont élu si j’ose dire pour beaucoup moins que ça et certainement pas pour des tours de bureaux.
Seconde raison : le principe de tour d’ivoire. Monsieur Nouvel a t-il répondu à un cahier des charges précis en matière de densification ou a t’il été seul à décider ? Tout ce que je puis dire, c’est que jamais, il n’y eut de débat sur cette question au sein de la majorité municipale, pas de débat non "plus" pour mettre en perspective nos promesses électorales avec le réalisme économique invoqué. Comme tant d’autres et à plusieurs reprises, y compris le jour de ma démission, je me suis d’ailleurs ouvert en privé auprès de vous, Monsieur le Maire, de cette inquiétude sur la hauteur des tours… Vous m’avez précisé que vous alliez agir. Il est vrai qu’elles baissent au fil des articles et des déclarations… Mais quand on observe la perspective publiée ce week-end en exclusivité dans le Figaro (et depuis dans bon nombre de journaux), je ne sais si la réalité dépassera la science-fiction, mais on ne peut pas dire que ces tours brillent par leur discrétion.
Enfin la troisième raison d’avoir mal : c’est ce que nous pourrions appeler ces Tours de Babel sur Billancourt qui divisent toutes les intelligences. Babel sur Billancourt, c’est quoi ? Ce sont des personnes qui ont les mêmes opinions, mais qui ne se comprennent plus et ne se parlent que pour s’invectiver par médias interposés… Dans la boite de Pandore ainsi ouverte, l’incommunicabilité, la polémique, la défiance, le risque de désinformation, autant de maux qui sapent la noblesse de l’engagement politique et que nous jetons en pâture à nos concitoyens qui ont bien d’autres préoccupations.
Rappelez-vous mars 2008 et cette belle campagne électorale. A l’époque, messieurs Solère et Baguet, c’était Montaigne et la Boétie, ou plutôt Smith and Wesson ; nous avions la fraicheur et le dynamisme d’une équipe volontaire, soudée, engagée, pleine d’énergie et fière de montrer de quoi elle serait capable. Notre projet phare : l’Ile Seguin. Un projet coloré et pluriel ouvert aux Boulonnais face à un autre bien lancé qui faisait cependant grise mine avec ses bureaux et ses administrations. Que reste t’il de tout cela ?
Plutôt que de retomber dans un cirque qui n’a rien à voir avec celui du soleil, il serait peut-être bon de se ressaisir et de travailler ensemble, quel que soit notre bord, à un projet constructif dans tous les sens du terme et de l’intérêt général.
Il me semble donc avisé de réviser cette révision avant qu’elle ne soit définitivement visée par le Conseil Municipal… ne serait-ce que par respect pour nos électeurs et les communes voisines. Pourquoi ne pas reporter cette délibération et se donner quelques mois pour y travailler de concert avec toutes les parties prenantes, les élus, les associations de riverains et environnementales, sachant que ces dernières nous attendent au virage avec des recours évidemment suspensifs. Que sont quelques mois de concertation et de dialogue bien gérés face à une décision qui nous engage au delà du XXIème siècle. Plus que jamais, nous partageons tous, l’envie galvanisante et l’enthousiasme sincère que ce site unique devienne enfin le joyau promis de cette vallée de la Culture.
A ceux qui voudraient savoir ce que cela fait d’avoir mal à Boulogne-Billancourt, c’est très simple, cela fait mal au cœur… Mais optimiste de nature, je veux croire que cela se soigne.
Merci de votre écoute.
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